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Mon fleuve de vie


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Le Fleuve de la Vie

Lorsque je considère le déroulement d'une vie, je pense parfois à un fleuve que l’on parcourrait à bord d’une embarcation, tantôt calme et apaisant, tantôt tumultueux et imprévisible.

À sa source, le fleuve jaillit de terre dans un doux clapotis. Il devient un petit ruisseau où les nouveau-nés embarquent dans un grand cri, mécontents de devoir quitter le clapotis rassurant du ventre maternel.

Le ruisseau grandit en se frayant un chemin à travers des paysages inexplorés, image de nos premiers pas dans la vie, pleins d’enthousiasme et de curiosité. Nous avançons alors sans crainte, dans l’insouciance la plus totale.

Le ruisseau devient rivière, la rivière devient fleuve qui s’étend. Lorsqu’il est calme et paisible, il représente ces moments où tout semble s’aligner harmonieusement dans notre vie et où l’on savoure chaque instant de ce voyage.

Mais le fleuve rencontre également des rapides et des chutes, des périodes tumultueuses où tout semble se précipiter avec une force irrésistible. Ces moments de la vie, pleins de défis et parfois de douleur, mettent à l'épreuve notre force et notre capacité à naviguer dans les eaux turbulentes. Comme le fleuve sculpte les rochers et le paysage par la force implacable de ses eaux, ces périodes difficiles nous façonnent, nous rendant plus forts et plus résilients, ou au contraire, peuvent nous détruire de diverses manières.

Il arrive souvent que le fleuve s'élargisse, offrant des choix de direction multiples, comme les moments de la vie où nous devons prendre des décisions cruciales. Chaque bras du fleuve représente un chemin différent, avec ses propres défis et opportunités, et c'est à nous de choisir la direction à prendre.

Parfois, nous nous arrêtons sur la rive, pour une pause nécessaire avant de changer de direction. Ces arrêts sont des moments de réflexion, de transition, ou simplement une période de repos avant de se replonger dans le courant de la vie.

Finalement, le fleuve atteint son but : se jeter dans l'océan vaste et inconnu. C'est le voyage de toute une vie, un parcours unique pour chacun de nous, avec ses joies, ses peines, ses apprentissages et ses découvertes. Tout comme le fleuve, la vie est un voyage continu, un mélange de prévisibilité et de surprises, d’épreuves, de victoires et d’échecs qui nous façonnent et nous guident vers notre destinée : une petite gouttelette qui sera engloutie dans l’Océan, ou peut-être le commencement d'un nouveau voyage ?

Du haut de mes 76 ans bien sonnés, devant un gâteau masqué par les bougies, orné des cicatrices de mes combats, ridé par les caresses reçues, dégarni d’une grande partie de mes cheveux, délesté de ma prostate et affublé d’une épaisse couche graisseuse abdominale, totalement inutile avec le changement climatique en cours, je passe en revue mes organes qui manifestent leur présence, mes articulations dont je ne soupçonnais pas l’existence, mes trous de mémoire dont le tamis s’agrandit. Je me rends compte que l’océan n’est plus très loin, voire même tout proche, qui sait, au détour du prochain méandre !

Alors je me dis que c’est le bon moment pour perdre du temps !

À l’approche de l’océan, le fleuve coule lentement. Il a traversé depuis longtemps les montagnes et s’attarde avec nonchalance avant d’être englouti. Moi de même, je ne suis plus pressé, je prends mon temps, tout mon temps.

Je me suis arrêté longuement pour réfléchir à ce qu’a été ma vie et à ce que je vais faire des jours qui me restent.

Comment je vois ma vie :

Ce qui m’a toujours accompagné, c'est le sentiment d’avoir été gâté par la vie. Je suis né en Suisse, de parents que, après des années difficiles pendant ma jeunesse, j’ai appris à comprendre et à aimer (mon seul regret est de ne pas l’avoir dit et montré assez souvent). Je n’ai pas vécu de guerre, j’ai toujours pu manger à ma faim, j’ai toujours eu un toit, je n’ai jamais subi de violences ou de persécutions, je n’ai jamais été sérieusement malade et j’ai bénéficié d’une période économique où trouver un emploi était la chose la plus facile. J’ai eu deux épouses exceptionnelles, la seconde m’a donné en plus un cadeau inestimable : trois enfants pour lesquels j’ai une fierté et un amour inconditionnels. J’ai rencontré par ailleurs tant de personnes extraordinaires qui ont jalonné ma vie. En résumé, j’ai une immense gratitude pour ce que la vie m’a donné et je m’interdis de me plaindre pour des futilités.

Ma capacité à me réjouir, à vivre intensément tous les moments que la vie m’a offerts, des plus spectaculaires et surtout des plus simples, m’a également beaucoup aidé. De par mon travail (qui fera l’objet d’une chronique à part), j’ai vécu dans le luxe et le grand confort, avec bien plus d’argent que nécessaire, beaucoup de voyages, beaucoup de contacts. J’en ai profité abondamment. J’ai cependant volontairement renoncé à cette vie lorsque j’ai perdu l’intérêt et la motivation dans mon travail. J’ai pu le faire, car le luxe ne m’a jamais envahi et je n’ai jamais été esclave de l’argent. Certes, j’aime le confort et une vie confortable, mais un bon lit avec un bon matelas, un appartement décent, avec cependant une indispensable terrasse ou un balcon, entouré de nature, et la possibilité de me faire des sorties et des restos, est déjà en réalité un luxe.

Une vie intérieure active m’a toujours aidé à surmonter les difficultés auxquelles j’ai eu à faire face, grâce à une forte présence à l’intérieur de moi-même, de quelque chose de supérieur à moi, qui m’est si souvent venu en aide en cas de difficultés.

L’humour et l’autodérision ont toujours été présents. Je ris souvent tout seul devant des situations cocasses, des observations des autres, mais aussi et surtout de moi-même. Je me moque de moi dans bien des occasions. Il m’arrive parfois de rire même dans mes rêves et d’en garder le souvenir lorsque je me réveille et de continuer à en rire. Le rire, le sourire, l’autodérision sont des remèdes absolus contre toute chose. Que de fous rires homériques, en particulier avec ma sœur ! Que de rires et de moments inoubliables avec mes collègues français dont l’humour et l’esprit omniprésents m’ont appris à rire de toute chose ! Et bien sûr, le plus important, ce sont toutes ces personnes extraordinaires que j’ai rencontrées tout au long de ma vie et qui l’ont marquée à jamais : celles avec qui j’ai partagé de longues années, et en tout premier lieu ma famille, mais aussi celles qui sont passées de manière plus fugace mais qui ont laissé une forte empreinte d’une manière ou d’une autre. J’aimerais consacrer des pages à chacune d’elles.

En conclusion, je suis reconnaissant et satisfait de ma vie, je n’ai pas de regret. Il y a beaucoup de choses que j’aurais pu faire et que je n’ai pas faites, mais cela ne m’affecte pas, car je suis très satisfait de ce que j’ai fait, non pas par autosuffisance, mais parce que j’ai fait ce qui était à ma portée, sans rêver d’être ce que je ne suis pas, et ai profité de ce que j’ai pu avoir, sans courir après ce que je n’avais pas.

Mon seul regret serait peut-être de ne pas en avoir fait assez au regard des valeurs que je défends : l’humanisme, le respect, la tolérance, la justice, la solidarité et la générosité dans tous leurs aspects. Mais je me console en pensant à cette réflexion du Dalaï Lama : « Tout le monde ne peut être Mère Teresa, mais au moins, essayez de faire le moins de mal possible. » J’espère au moins avoir réussi cela, à ne pas avoir fait trop de mal, surtout vis-à-vis des personnes qui m’ont tant apporté et auxquelles j’aimerais rendre un hommage particulier.

J’ai une admiration sans borne pour les personnes qui mettent leur intelligence, leur savoir, leur énergie au service de la communauté avec de hautes valeurs humanistes, mais aussi, et peut-être encore plus, pour ces personnes anonymes, vivant dans des conditions difficiles et qui trouvent encore moyen d’aider les autres et de partager le peu qu’ils ont, avec un cœur incroyable.

Ce que je vais faire des jours qui me restent :

Ce regard sur la vie, et sur la mienne en particulier, m’a amené, en réalité déjà depuis quelque temps, à vouloir écrire, car cela me démange, comme une sorte de rougeur que l’on gratte et plus on gratte, plus elle démange. Alors le moment est venu de m’y mettre sérieusement.

Écrire, c’est bien, mais quoi écrire ? Faire une biographie de ma vie ne m’inspire pas. Un roman, encore moins. J’ai cependant beaucoup de notes que j’ai prises sur des réflexions que j’ai eues, sur certaines expériences, notes que je continue d’ailleurs de prendre, et je pense que le mieux pour moi, c’est d’écrire des chroniques, des petits textes sans forcément de chronologie, selon l’humeur du jour. Et ce serait l’occasion d'écrire une chronique sur toutes ces personnes qui ont contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui.

Cela étant, pour qui écrire ? Déjà pour moi-même, car écrire, contrairement à la parole, demande plus de travail de réflexion et d’épure. Il faut en effet transformer une idée ou un souvenir au départ fugace en le couchant sur le papier, en le travaillant, en le relisant, en le corrigeant et recorrigeant pour enfin en extraire la substance. Ensuite, il s’agit de trier et d’éliminer ces souvenirs ou expériences qui n’apportent que peu ou pas d’intérêt dans ma volonté de transmettre des expériences qui ont réellement contribué de manière importante à ce que je suis aujourd’hui. J’aimerais y inclure aussi, et surtout, de l’humour, car comme je l’ai souligné, c’est essentiel pour moi.

Outre ce travail que je fais sur moi-même, j’aimerais qu’il puisse apporter aussi, et je dirais même surtout, une expérience de vie que j’aimerais partager en tout premier lieu avec mes enfants, mes proches, ce qui pourra peut-être les aider d’une façon ou d’une autre dans leur propre fleuve de vie, et surtout de partager avec mes lecteurs nos pensées et nos expériences respectives.

 

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